Techtera facilite la valorisation des déchets industriels textiles

Le pôle de compétitivité a lancé plusieurs initiatives pour qualifier et massifier les déchets de production des entreprises de la filière textile d’une part, mais aussi cerner leurs potentiels valorisateurs, leurs besoins et contraintes.
A l’heure de l’économie circulaire, il n’est plus possible d’ignorer la question du recyclage ou du réemploi des déchets de production textiles. Depuis le 1er janvier 2025, l’enfouissement de bennes contenant plus de 30 % de déchets textiles n’est d’ailleurs plus autorisé !
On dispose aujourd’hui de données très générales sur le sujet, fournies par l’ADEME (qui a recensé en 2023, 34 000 tonnes de chutes de production textile en France). Mais ces dernières demandaient à être affinées localement pour permettre une réelle valorisation de ces déchets sur le terrain.
Outre Mode Grand Ouest, syndicat d’une grande région de confection qui a lancé des initiatives dans ce domaine, Techtera, le pôle de compétitivité dédié à la filière textile française, s’est aussi attaqué au sujet.
Au cœur de la première région textile de France

Et Techtera était bien placé pour apporter, lui aussi, sa contribution. Créé il y a 20 ans lors du premier appel à candidatures de l’Etat sur les pôles de compétitivité, il anime un réseau d’entreprises textiles, de laboratoires de recherche, centres techniques, universités et grandes écoles afin de stimuler le potentiel d’innovation de la filière. Basé près de Lyon, il se trouve au cœur de la première région textile française, réalisant 27% du chiffre d’affaires national, avec un échantillon représentatif de tous les métiers (filateurs, mouliniers, tisseurs, tricoteurs, ennoblisseurs, confectionneurs…).
Et c’est dans le cadre de la feuille de route stratégique et technologique qu’il soumet tous les quatre ans à l’Etat pour le renouvellement de sa labellisation, que s’est invité le sujet des déchets de production. "Il y a un véritable enjeu qui consiste à qualifier et massifier les gisements textiles d’une part et appréhender les capacités et cahiers des charges des acteurs de la valorisation d’autre part, pour pouvoir construire des chaînes de valorisation viables autour de ces gisements”, explique Julie Rafton Jolivet, la déléguée générale adjointe de Techtera.
Le pôle de compétitivité avait déjà lancé de premières initiatives dès 2018, avec de premiers référencements des gisements textiles dans la région et l’organisation d’un premier évènement avec des valorisateurs. Mais le sujet commence à prendre réellement forme en 2023, lorsque Techtera obtient le soutien de la Métropole du Grand Lyon pour “industrialiser” un véritable process de cartographie des déchets de production et des stocks dormants dans le textile. Cette action est inscrite dans l’axe “recyclage et économie circulaire” de sa feuille de route.
Un outil robuste

Le pôle met alors au point un outil robuste “permettant de quantifier et caractériser les déchets de production à la fois par types de matières (polyester, coton, polyester/coton, polyamide, fibres de verre, autres) et par formes (fils, étoffes toute laize, empiècements, lisières, découpes, fausses lisières, tissage…).
Une fois cette méthodologie mise au point, Techtera veut la déployer sur le terrain à une “échelle plus large” que celle de la métropole lyonnaise. Et un accord de filière est justement signé en 2024 par la région Auvergne Rhône-Alpes, qui implique Techtera, l’Institut Français du Textile Habillement (IFTH) et Unitex, le syndicat professionnel de la région. Il comprend quatre axes, dont l’un consistant à gérer et valoriser la matière textile post-production est confié à Techtera.
“C’est dans ce cadre, avec le soutien de la région Auvergne-Rhône-Alpes, que nous déployons depuis l’an dernier notre cartographie auprès des entreprises de la région, décrit Julie Rafton Jolivet (Techtera). Il s’agit d’une démarche de diagnostic basée sur le volontariat. Nous mettons gratuitement l’outil à disposition des entreprises régionales. Les données recueillies permettent de nourrir de grandes masses mais ne sont pas communiquées de façon individuelle : le résultat est totalement confidentiel et permet de faire du lien avec les voies de valorisation ”.
Après un entretien avec les entreprises permettant de comprendre leur activité et valider l’existence de chutes industrielles, Techtera se rend sur les sites de production pour les accompagner dans l’utilisation de la méthodologie et caractériser (matières et formats) leurs gisements.
Objectif : massifier les données

“Nous arrivons ainsi à quantifier et qualifier les tonnages de chutes de production et stocks dormants, indique Julie Rafton Jolivet. Cette démarche de massification a notamment pour objectif d’agir sur la viabilité économique des valorisations”.
En 2024, 67 entreprises sont ainsi sensibilisées, soit un mélange de PME et de grands groupes et de ses différents métiers (moulinage, tissage, tricotage,confection…). 57 sites ont été diagnostiqués et 25 cartographies finalisées. 540 tonnes de chutes de production annuelles, soit 45 tonnes par mois, sont identifiées et ventilées par types de matières et formats. 185 tonnes de stocks dormants ont été également identifiées. En 2025, Techtera réitère l’opération avec un objectif de 70 entreprises, pour pouvoir finaliser une photographie plus globale en fin d’année.
En 2024, le pôle a aussi commencé à s’adresser à la cible des potentiels valorisateurs des gisements textiles (déchets industriels et stocks dormants). 35 acteurs de la valorisation ont été sondés, dont la moitié sont des acteurs du réemploi, les autres proposant du recyclage mécanique (29%), chimique (15%) ou les deux (1%).
“L’idée était de comprendre, en fonction de leur mode de revalorisation de réemploi, de recyclage chimique ou mécanique, leurs conditions de valorisation des déchets, leurs capacités et leurs contraintes”, explique Julie Rafton Jolivet (Techtera).
Mais ce premier jet n’étant pas suffisamment représentatif de l’ensemble du secteur, l’opération se poursuit en 2025 pour arriver à un résultat plus abouti.
Rapprocher le plus d’entreprises possible

L’action de Techtera vise en effet à rapprocher le plus d’entreprises possible pour irriguer la chaîne de valorisation des déchets industriels. Dans ce but, le pôle a d’ores et déjà organisé, le 27 novembre dernier, toujours avec le soutien de la Métropole Grand Lyon, une convention d’affaires B to B, où ont été présentés les premiers résultats de la cartographie aux entreprises de la filière.
“Nous avons fait intervenir des acteurs du recyclage mécanique chimique et du réemploi. Notre objectif était de permettre aux entreprises de se rencontrer et les résultats ont dépassé nos espérances, avec 120 participants et plus de 200 rendez-vous”, explique Julie Rafton Jolivet.
Pour l'occasion, Techtera avait édité un guide sur les voies de valorisation de gisement textile à l’usage des détenteurs, diffusé en version papier pendant la convention. Celui-ci est, depuis, téléchargeable sur son site. “Nous y faisons notamment des préconisations sur le ou les types de valorisation (recyclage ou réemploi) les plus adaptés en fonction des caractéristiques de ses gisements,et les moins impactants sur le plan du bilan carbone”, explique la déléguée générale adjointe de Techtera. Ce guide sera mis à jour cette année dans une édition 2025, qui sera diffusée le 26 novembre 2025, lors d’une deuxième convention d’affaires, tenue de nouveau à Lyon.
Outil digital

Les chantiers menés par Techtera ont d’ores et déjà permis d’avancer concrètement sur le dossier des déchets industriels textiles. Mais la déléguée générale de Techtera est aussi consciente du chemin qu’il reste à parcourir. “Il faut que les chaînes de valeur se structurent sur la préparation de la matière, la logistique par exemple, identifier les verrous à lever pour faciliter la valorisation et développer des solutions technologiques pour valoriser les matières complexes, etc”, souligne-t-elle. Et de citer un exemple précis. “Il nous faut monter en capacité pour passer d’une échelle de démonstrateur par exemple sur des valorisations par voie chimique à des procédés industrialisés”.
En attendant, “s’engager dans un ou des partenariats de valorisation ponctuels ou réguliers ne sera pas nécessairement source de revenus ou d’économies significatives à court terme pour un industriel textile", conclut le guide pratique des voies de valorisation de gisements textiles à l’usage des détenteurs, édité par Techtera. Mais cela “permettra dans tous les cas d’optimiser ses stocks, de fluidifier ses processus internes et de s’intégrer dans une dynamique de responsabilité élargie du producteur, en accord avec ses valeurs et sa politique RSE”. Ce cheminement incontournable s’impose au Made in France, poussé non seulement par la réglementation mais aussi par la demande d’un consommateur davantage éco-responsable.
Pour vous inscrire à la deuxième convention d'affaire du 26 novembre : information & inscription à ccadieutechtera[point]org